marées 1
Pour tout un chacun, les marées correspondent en premier lieu au mouvement journalier et régulier d'oscillation par lequel la masse de l'océan se soulève et s'abaisse alternativement, de sorte que les eaux couvrent et abandonnent alternativement une partie du littoral. Ce phénomène est produit par l'action attractive du Soleil et de la Lune . Typiquement, les eaux montent pendant six heures environ, en inondant les rivages et en se précipitant dans l'intérieur des fleuves jusqu'à de grandes distances de leurs embouchures, après s'être maintenues quelques instants à leur plus grande élévation, elles descendent aussi pendant six heures, avant d'amorcer une nouvelle remontée, et ainsi de suite. La durée de chaque oscillation est d'un peu plus de 12 heures : la durée moyenne de deux oscillations est d'un jour et 50 minutes, temps moyen qui s'écoule entre le passage de la Lune au méridien d'un lieu et son retour à ce même méridien.
Une concordance de rythmes qui se comprend, comme cela était soupçonné depuis l'Antiquité, par le rôle clé que joue la Lune dans ce phénomènes. Les marées, sur notre planète, s'expliquent principalement par l'attraction lunaire et par le mouvement de révolution de la Terre et de son satellite autour de leur centre de gravité commun. Secondairement l'attraction du Soleil joue également un rôle, et explique que ce soit à certains moments de l'année ( équinoxes et solstices ), et de la lunaison , selon que la Lune et le Soleil sont alignés ou pas avec la Terre ( conjonctions et quadratures ), que les marées ont une amplitude plus ou moins grande. L'action des autres planètes existe également, mais en pratique elle est suffisamment faible pour être négligée.
L'action attractive sur la Terre du Soleil et de la Lune par rapport à la Terre a des effets sur le déplacement des masses océaniques, qui est à l'origine des marées proprement dites. Mais ce n'est pas le seul effet à résulter des mêmes mécanismes. Il existe ainsi des marées atmosphériques, rythmées par le cycle de la Lune, qui se manifestent par des variations de la pression de l'air, et des marées terrestres, qui se traduisent en particulier par des élèvements et des affaissements du niveau du sol d'une amplitude de quelques centimètres, qui obéissent elles aussi à une périodicité lunaire.
L'univers des marées
On ne traite sur cette page que des marées qui affectent la Terre. Il convient cependant ici de noter le phénomène des marées n'est pas spécifiquement terrestre. Il peut s'observer partout dans l'univers. Il y a des marées ailleurs dans le Système solaire . Ce sont elles, par exemple qui expliquent l'existence d'anneaux autour des planètes géantes , ou le volcanisme de Io , l'un des quatre satellites galiléens de Jupiter , ou encore probablement le resurfaçage de Triton , la principale lune de Neptune . Enfin, la synchronisation de la période de révolution et de rotation de la plupart des lunes du Système solaire peut aussi être attribuée à des dissipations d'énergie dont des effets de marée sont à l'origine.
Le Quintet de Stephan.
On peut également mentionner d'innombrables effets de marées aussi bien dans notre Voie lactée , où elles jouent un notamment rôle dans la dimension des amas stellaires , dans l'absorption de galaxies satellites ( Grand et Petit Nuage de Magellan , Naine du Sagittaire , Naine du Grand Chien ), qu'entre quantité de galaxies , qualifiées souvent de galaxies particulières , et qui pour beaucoup d'entre elles, à l'image des membre du Quintet de Stephan ( Pégase ), ont été déformées, parfois démantelées, par ce même mécanisme. On connaît même des galaxies, dites naines tidales, proprement nées par l'effet des marées... |
Mise en ordre
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Les marées océaniques.
Les marées océaniques sont de loin celles qui s'imposent avec le plus d'évidence. Elles se manifestent sur les côtes de l'océan par un abaissement et un surélèvement des eaux, véritable oscillation régulière, analogue en tout à une respiration de la mer. En général, l'intervalle entre une marée et la suivante est de douze heures vingt-cinq minutes en moyenne. On voit pendant un temps d'environ six heures (6 h 5 à 6 h 20) l'eau s'abaisser graduellement, laissant à sec les rochers, les bancs de sable, etc.; arrivée à un certain point, elle s'arrête un moment, puis pendant un temps à peu près égal au premier elle remonte, venant peu à peu recouvrir les roches, les sables, qu'elle avait abandonnés précédemment.
Précisons quelques points de vocabulaire :
Marée montante, marée descendante - On appelle marée montante , flux , montant , flot , le moment où les eaux s'élèvent; on appelle reflux , jusant , èbe , perdant , marée descendante , le moment où les eaux s'abaissent. Les anciens auteurs disaient " le flux et le reflux ", pour désigner ce que l'on appelle aujourd'hui plus simplement la marée.
Marée haute, marée basse - Quand le niveau est le plus bas, on dit que, la mer est basse ; il y a pleine mer ou encore la mer bat son plein quand le niveau est le plus haut, que la mer cesse de monter. On dit enfin que la mer est étale quand l'oscillation est arrêtée, que la mer ne monte ni ne baisse, ce qui dure toujours un certain temps. A marée haute ce moment correspond à la tenue du plein .
Vives-eaux et mortes-eaux - A l'époque de la nouvelle lune et de la pleine lune ( phase ), le Soleil et la Lune sont dans la même direction, leurs actions s'additionnent. Ce sont les marées de vive-eau . A l'époque du premier et du dernier quartier le Soleil et la Lune sont dans des directions perpendiculaires par rapport à la Terre, leurs actions tendent à se compenser. Ce sont les marées de morte-eau .
Marée totale - La marée totale est la différence de niveau entre une pleine mer, et la moyenne entre les basses mers qui précèdent et celles qui suivent; la mer moyenne est la moyenne entre une haute et une basse mer, quantité à laquelle on rapporte les grands nivellements en géodésie. C'est à peu près la surface d'équilibre que prendrait la mer s'il n'y avait pas de marée. Le terme de marnage désigne pour sa part l'amplitude entre la marée haute et la marée basse. Sur les cartes, les lignes qui relient les points où la marée a la même amplitude sont appelées courbes d'isomarnage.
Courbes cotidales - Sur les cartes représentant l'état des marées, les courbes cotidales (de l'anglais tide = marée) ou isophases, sont les lignes qui joignent les points de même phase, c'est-à-dire les lieux où la marée a atteint un même degré d'avancement. Par exemple, tous ceux où la mer est basse (ou haute) au même moment. Les points de rencontre de ces lignes portent le nom de points amphidromiques.
L'amplitude des marées.
La différence de niveau qu'on observe entre la haute et la basse mer, ainsi que la distance jusqu'à laquelle la mer abandonne les côtes sont affectées par différentes causes, principalement par la configuration des terres et de celle la pente de ces côtes, et varient considérablement suivant les lieux. Ainsi les marées sont différentes dans la mer Méditerranée et la Manche, par exemple. En haute mer, le marnage n'est en général que de un mètre. Dans les petites îles de l'océan Pacifique, la marée ne monte parfois que de 0,65 m ; dans les îles africaines de l'Atlantique, elle varie de 1 à 3 m ; au Nord de l'Europe, elle est de 1,50 m ; au Nord de l'Amérique, elle n'est quelquefois que de 0,9 m . Dans la Méditerranée les marées sont faibles (quelques décimètres en général), mais existent aussi : les inondations périodiques de Venise, tiennent ainsi à la fois des marées et des conditions de circulation des eaux particulières à l'Adriatique, signe que quantité de facteurs jouent un rôle (non seulement l'étendue et la profondeur des mers, le gisement des côtes et la disposition des anfractuosités qu'elles présentent, mais aussi la direction des courants, la puissance des vents, etc.). Certaines mers resserrées ou d'une faible étendue, comme la Baltique, la mer Noire et la Caspienne, n'ont pas de marées véritablement appréciables, mais on les signale sur le lac Michigan.
Le tableau suivant consigne les hauteurs moyennes de quelques unes des plus hautes marées :
Lieu |
Hauteur
(m) |
Fundy Bay (Canada) |
15,0 |
Bristol (Grande-Bretagne) |
14,6 |
Puerto Gallegos (Argentine) |
13,2 |
Mont Saint-Michel (France) |
12,3 |
Bhaunagan (Inde) |
12,2 |
Mouillage de la Calebasse
(Guyane) |
12 |
Derby (Australie) |
11,5 |
Guigiguinskaïa (Russie) |
11,0 |
Il y a même parfois des différences notables dans un même endroit. Dans les découpures profondes du rivage, lorsqu'elles s'ouvrent dans la direction de la vague, puis se rétrécissent graduellement en entonnoir, la convergence des eaux détermine dans un espace parfois très restreint, une très grande augmentation dans la hauteur de la marée. Telles sont, par exemple, les marées qui ont lieu, dans la baie de St-Malo, où les eaux s'élèvent parfois à 15 m , ou dans le canal de Bristol, où les marées sont parmi les plus hautes du monde. Chose remarquable, vis-à-vis de ce canal, en certains points de la côte sud-est de l'Irlande, la marée peut n'atteindre que 94 cm , tandis qu'à une petite distance, de chaque côté, elle s'élève à 4 m . Au Canada, sur les côtes de la Nouvelle-Écosse, au fond de la baie de Fundy, il y a des marées qui peuvent dépasser les 20 mètres (en moyenne 15 m seulement, mais c'est déjà le record mondial), alors qu'à l'entrée de la baie, elles atteignent à peine 3 m . Les caps exercent, dans certaines circonstances, une influence opposée et diminuent le marnage.
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Amplitudes des marées en centimètres.
Les lignes "arachnoïdes" correspondent aux courbes cotidales.
(Source : Legos).
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Les marées dans les fleuves
Pendant le flux, les eaux des fleuves s'enflent et remontent près de leur embouchure; ce qui vient évidemment de ce qu'elles font refoulées par les eaux de la mer. Pendant le reflux, les eaux de ces mêmes fleuves recommencent à couler. Cette résistance des mers, à laquelle les marées prêtent leur concours, peut l'observer à presque toutes les embouchures des fleuves; mais le plus imposant phénomène de ce genre se voit à l'embouchure de l'Amazone, dont l'embouchure, large d'une centaine de kilomètres, est obstruée par des îles à moitié noyées, sous les eaux. On le désigne, au Brésil, sous le nom de pororoca ; aux fortes marées, ce sont trois on quatre lames de 4 à 5 mètres de hauteur qui remontent rapidement et avec fracas l'embouchure du fleuve. Cette impulsion de la marée se transmet sur le cours du fleuve jusqu'à 500 kilomètres au-dessus de son embouchure. Le phénomène se reproduit plus ou moins intense, selon la saison , deux fois chaque jour.
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Pororoca sur la rivière Araguari (Amapa, Brésil).
(Source : http://ponce.sdsu.edu ).
Jusqu'à ce que des travaux de dragage n'en augmentent la profondeur, la Dordogne, au bec d'Ambez, au moment des grandes eaux, offrait un phénomène analogue; on le nommait ici mascaret, terme d'ailleurs devenu générique pour désigner ces barres de mer. Une sorte de vague élevée remontait le fleuve sur toute sa largeur et jusqu'à une trentaine de kilomètres, avec une vitesse de 4 à 5 mètres par seconde; elle était suivie de deux ou trois autres vagues semblables. La Seine, offrait aussi un mascaret aux pleines lunes et aux nouvelles lunes des équinoxes, surtout à l'équinoxe d'automne. Elle se précipitait au-dessous et au-desssus de Quillebeuf en une vague roulante, qui occupait toute la largeur du fleuve, renversait les navires qui ne sont pas abrités derrière une pointe de terre, dévorait les prairies des bords et agitait les bancs de sable.
Ce phénomène a été expliqué par Babinet de la manière suivante : la vague avance lentement dans une eau peu profonde; ainsi, lorsque la marée remonte dans un fleuve dont le lit, gêné par des barres de sable, est de moins en moins profond, les premières vagues, retardées par ce manque de profondeur, sont devancées par les suivantes, qui roulent déjà dans une eau plus profonde; celles-ci sont elles-mêmes rejointes et dépassées bientôt par de nouvelles vagues, qui retombent en cascade par-dessus les vagues antérieures, et produisent ainsi cette immense cataracte roulante.
Le phénomène peut encore s'observer dans l'Humber et la Severn en Angleterre, dans de petites rivières même comme la Vire et l'Aure, etc. C'est surtout le peu de profondeur des embouchures, et la présence de barres de sable qui en sont la cause, qu'il faut attribuer les effets parfois désastreux de la barre d'eau dans les grands fleuves à deltas marécageux; On citera ici l'exemple de la flotte d'Alexandre , qui ne connaissait que les faibles marées méditerranéennes, et qui faillit être entièrement détruite; dans un des bras du Gange, l'Hougly, où ce phénomène est appelé bore ; ou encore l'exemple de la barre de brisants qui obstrue l'embouchure de l'Oregon, où, par fort vent, les vagues atteignent une hauteur de plus de 20 mètres . (C. P.). |
Les rythmes du flux et du reflux.
L'époque influe aussi, et les marées ne sont pas les mêmes aux syzygies et aux quadratures . Ce qui révèle le rôle des distances plus ou moins importantes du Soleil et de la Lune à la Terre, ainsi que celui de la position respective de ces deux astres et leur déclinaison. L' heure de la basse mer intermédiaire à deux pleines mers consécutives varie aussi suivant la configuration des terres. Ainsi, par exemple, au Havre et à Boulogne, la mer met 2 h 8 mn de plus à descendre qu'à monter; à Brest, au contraire la différence n'est que de 16 mn. Dans tous les endroits où le mouvement des eaux n'est pas retardé par des îles, des caps, des détroits, ou par d'autres semblables obstacles, on observe trois périodes à la marée : la période annuelle , la période mensuelle , la période journalière .
La période annuelle consiste en ce qu'aux équinoxes les marées sont les plus grandes vers les nouvelles et pleines Lunes; et celles des quartiers sont moins grandes qu'aux autres lunaisons ; au contraire, aux solstices , les marées des nouvelles et pleines Lunes ne font pas si grandes qu'aux autres lunaisons; au lieu que les marées des quartiers sont plus grandes qu'aux autres lunaisons. Dans la période annuelle, on observe :
1° que les marées du solstice d' hiver sont plus grandes que celles du solstice d' été ;
2° les marées sont d'autant plus grandes que la Lune est plus près de la Terre; et elles sont, les plus grandes, toutes choses d'ailleurs égales, quand la Lune est au périgée , c'est-à-dire, à sa plus petite distance de la Terre : elles sont aussi d'autant plus grandes, que la Lune est plus près de l' équateur ; et, en général, les plus grandes de toutes les marées arrivent quand la Lune est à la fois dans l'équateur, périgée; et dans les syzygies ,
3° enfin, dans les contrées septentrionales, les marées des nouvelles et pleines Lunes font en été plus grandes le soir que le matin, et en hiver plus grandes le matin que le soir.
La période mensuelle consiste en ce que les marées sont plus importantes au moment des syzygies (nouvelles et pleines lunes), qu'au moment des quadratures (quand la Lune est en quartier), ou, pour parler plus exactement, les marées sont plus importantes dans chaque lunaison, quand la Lune est environ à 18 degrés au-delà des pleines et nouvelles Lunes, et les plus petites, quand elle est environ à 18 degrés au-delà du premier et du dernier quartier. Dans la période mensuelle, on observe :
1° que les marées vont en croissant des quadratures aux syzygies, et en décroissant, des syzygies aux quadratures;
2° quand la Lune est aux syzygies ou aux quadratures, la haute mer arrive trois heures après le passage de la Lune au méridien, si la Lune va des syzygies aux quadratures, le temps de la haute mer arrive plutôt que ces trois heures, c'est le contraire si la Lune va des quadratures aux syzygies;
3° soit que la Lune se trouve dans l'hémisphère austral ou dans le boréal, le temps de la haute mer n'arrive pas plus tard aux plages septentrionales.
Les marées au cours d'une journée. Marée
montante en rouge, marée descendante en bleu.
(Source : Science at Nasa ).
La période journalière est de 24 heures 50 minutes et correspond au temps que la Lune met à faire sa révolution diurne autour de la Terre, ou, pour parler plus exactement, le temps qui s'écoule entre son passage par le méridien et son retour au même méridien. Dans la période journalière on observe encore :
1° que la haute mer arrive aux rades orientales plutôt qu'aux rades occidentales;
2 ° qu'entre les deux tropiques, la mer paraît aller de l'Est à l'Ouest;
3 ° que dans les régions intertropicales, à moins de quelque obstacle particulier, la haute mer arrive en même temps aux endroits qui font tous le même méridien; au lieu que dans les zones de latitudes moyennes, elle arrive plutôt à une moindre latitude qu'à une plus grande, et au delà du soixante-cinquième degré de latitude, le flux n'est pas sensible.
Au cours de cette période journalière, l'évolution de la hauteur d'eau peut être avoir un aspect différent d'un point à un autre du globe. C'est ce qui a fait définir quatre types de marées :
Marée semi-diurne - C'est le cas de loin le plus commun. Chaque jour lunaire (24 h 50 mn) on observe deux pleines mers et deux basses mers à peu près de même amplitude.
Marée à inégalité diurne - Ce type de marée ressemble au précédent, mais le rythme semi-diurne est modulé par une seconde composante de rythme diurne.
Marée mixte - Dans ce type de marée, on observe au cours de la lunaison une transition progressive entre le type diurne et le type à inégalité diurne..
Marée diurne - Dans ce type de marée, plutôt rare, on observe une pleine mer et une basse mer par jour.
Les quatre types de marées.
Les marées atmosphériques et terrestres
Les marées atmosphériques ressemblent aux marées océaniques. Surtout pour ce qui concerne la marée semi-diurne lunaire. De faible amplitude, elle a une importance croissante des pôles vers l' équateur , et se manifeste par de petites variations de la pression atmosphérique; des modifications de la ionosphère lui sont également imputables. Quant à la marée semi-diurne solaire, elle possède les mêmes aspects dynamiques que les marées océaniques et la marée atmosphérique lunaire, mais l'aspect thermique est ici prépondérant, et est la principale cause de l'évolution journalière de la pression atmosphérique.
La matière relativement élastique qui constitue le globe terrestre rend la forme générale de ce dernier sensible aux marées luni-solaires. La déformation, de la planète (qui tend à s'allonger selon l'axe Terre-Lune) est minime : de l'ordre du décimètre. Elle a cependant pu être mise en évidence de plusieurs manières. Par exemple, par des variations de la pesanteur, par des variations de la direction de la verticale en un lieu donné, par de petites variations de la rotation terrestre, ou encore de façon plus inattendue par l'introduction d'effets indésirables dans certaines expériences conduites avec des accélérateurs de particules. C'est ainsi, en particulier, que les physiciens du CERN ont eu la surprise de constater en entre 1992 et 1993, que la déformation infligée à la Terre par l'action gravitationnelle de la Lune et du Soleil, introduisait dans les 26,7 kilomètres de circonférence du LEP (l'accélérateur avec lequel ils testaient à l'époque les propriétés du boson Z), une variation de l'ordre d'un millimètre... |
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Rouages
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Théorie des marées .
On peut appréhender de manière intuitive les principaux aspects du phénomène de marée en considérant pour commencer le seul couple Terre-Lune, et les seuls océans supposés représenter une enveloppe uniforme autour de notre planète. Ces deux astres gravitent autour de leur centre de gravité commun. Il résulte de ce mouvement, une force centrifuge qui tend en particulier à repousser à l'opposé de la Lune les masses d'eau océaniques. Un premier bourrelet, qui se manifeste par une montée des eaux, se forme donc à l'opposé de la direction de la Lune, dirigée vers le point pour lequel la Lune est au nadir .
Mais l'attraction gravitationnelle que la Lune exerce sur la Terre a aussi un effet pour ainsi dire plus direct. Cette force, dont l'intensité est inversement proportionnelle au carré de la distance à la Lune, et s'exerce sur toute la matière constitutive de la Terre, et donc aussi sur les océans, dont les eaux cette fois tendent à se déplacer dans la direction de la Lune. Si l'on fait abstraction de la force centrifuge, on peut comprendre qu'il en résulte la formation d'un second bourrelet, cette fois dont le sommet est placé au-dessus du point de la Terre pour lequel la Lune se trouve au zénith .
Lorsque l'on combine les deux effets, ils ne s'annulent pas, bien qu'ils agissent en des sens opposés. La Terre ayant une certaine extension spatiale, la force d'attraction et la force centrifuge ne se compensent pas exactement en tous ces points. Leur réunion compose le champ des forces génératrices des marées, dont l'allure est donnée par la figure ci-dessous.
Forces génératrices des marées.
(Source : BDL, La Terre, les eaux, l'atmosphère, 1977).
L'effet résultant est un étirement de la masse terrestre qui affecte non seulement sur la composante liquide, mais aussi sur la composante solide et la composante gazeuse. Lorsqu'on considère non plus seulement le Système Terre-Lune, mais la révolution de la Terre autour du Soleil , le même raisonnement peut être tenu. L'effet est de moindre importance, mais il s'ajoute au précédent et module l'amplitude des marées au fil du mois et au fil de l'année. Ajoutons qu'ailleurs que sur Terre, les effets de marée peuvent être bien plus considérables, et l'étirement qu'il implique peut détruire le corps qui y est soumis. C'est ainsi d'ailleurs que l'on explique la formation des anneaux autour des planètes géantes , c'est-à-dire en invoquant un petit satellite brisé par l'effet d'écartèlement des marées.
Voici maintenant ce que cela donne de façon plus détaillée :
Action de la lune.
L'intervalle de 12 h 25 mn 14 s existant entre deux marées est d'ailleurs la moitié d'un jour lunaire, c.-à-d. la moitié du temps qui existe entre deux passages de la Lune au méridien , 24 h 50 mn 28 s de temps moyen; ce chiffre montre donc déjà que le phénomène est lié aux mouvements de la Lune.
Marée de Syzygie (nouvelle lune).
Supposons donc que la mer soit répartie également à la surface de la Terre, hypothèse fausse dont nous aurons plus tard à rectifier les conséquences; les eaux de la mer formeront autour du globe de la Terre un globe concentrique. Joignons le centre de la Terre au centre de la Lune (fig. ci-dessus), nous voyons que, suivant la ligne TL , les parties de la Terre les plus proches de la Lune seront attirées davantage ou tomberont davantage vers elle que le centre T, de même que les parties les plus éloignées seront moins attirées que ce centre. Et, comme les parties solides, par leur cohésion, résistent à cette action, ce sera sur les eaux de la mer que se produira un effet sensible, et cet effet donnera lieu aux marées. Suivant le diamètre perpendiculaire à TL, par compensation, les marées seront inverses des autres.
En somme, la simple action de la Lune transforme la sphère liquide en un ellipsoïde dont le grand axe est constamment dirigé vers le centre de la Lune. Si l'on suppose donc, comme on l'a fait, que l'océan consiste dans un canal autour de l'équateur, et que l'attraction de la Lune engendre une grande onde, cette onde voyagera le long du canal avec une rapidité qui, on le sait, dépend de la profondeur; c'est cette ondulation qui, se propageant dans tous les sens, produira les marées dans les différentes mers.
Marée de Syzygie (pleine lune).
Action du Soleil.
Nous avons dit que les marées différaient suivant l'époque; si nous nous reportons aux deux figures précédentes et à la suivante, nous voyons que les marées de syzygie , dites marées des eaux vives ou mal ines, sont plus fortes que celles de quadrature appelées marées de mortes eaux .
Marée de quadrature (premier et second quartier).
De plus, c'est aux équinoxes , quand la Lune et le Soleil sont en même temps le plus près possible de l' équateur , que les marées de vives eaux atteignent leur amplitude maxima; on désigne ces maxima sous le nom populaire de grandes marées . Le Soleil a également, en effet, une action efficace, et les marées sont les combinaisons des deux actions. Mais, malgré l'énorme masse du Soleil, ses effets sont deux fois et demie plus petits que ceux de la Lune; nous le démontrons de la façon suivante, l'attraction de la lune pour un point situé à une distance d étant :
fm/d²,
f, force attractive de l'unité de masse m placée à l'unité de distance sur élément égal à l'unité de masse, on voit que les actions lunaires auxquelles sont dues les marées sont respectivement, en prenant pour d la distance du centre de la mer à la Lune :
f m ((1/(d-r)²) - (1/d²)) et fm((1/d²) - (1/(d+r)²)),
ou
+ 2fmr/d 3 .((1-(r/2d))/(1-(r/2)²) et 2fmr/d 3 .((1+(r/2d))/(1+(r/d))²
Or r/d = env. 1/60, et par conséquent peut être négligé vis-à-vis de l'unité, de sorte que les actions considérées seront sensiblement égales à 2fmr/d 3 . Pour le Soleil, l'ellipsoïde de révolution auquel son action donnera lieu aura le grand axe passant par son centre et l'action exercée sera 2fMr/d 3 . Le rapport entre ces actions de la Lune et du Soleil sont donc :
(2fmr/d 3 )/ (2fMr/d 3 ) = (m/M).(D 3 /d 3 ) = 1/ 2655000 x 400 3 = 2,41.
Quand le Soleil est sur le méridien en même temps que la Lune (syzygies), les actions des deux astres s'ajouteront et auront leur maximum aux équinoxes; si le Soleil passe au méridien six heures avant ou six heures après la Lune ( quadratures ), l'attraction du Soleil soulève un peu le milieu de l'ellipsoïde engendré par la Lune; les marées sont moins considérables, car alors la haute mer lunaire coïncide avec la basse mer solaire. On peut ajouter qu'aux pôles il ne doit pas y avoir de marées considérables, car la lune s'écarte peu de l'équateur et que les pôles seront toujours placés près de la ceinture équatoriale de l'ellipsoïde aqueux.
Désaccords entre la théorie précédente et la réalité.
Nous venons de décrire les principaux phénomènes qui auraient lieu si la Terre était une sphère parfaite et entièrement recouverte d'une nappe d'eau dont la profondeur serait uniforme. Mais les phénomènes que présentent les marées sont infiniment plus compliqués. L'interruption de la terre ferme, la forme irrégulière de l'océan et la différence de profondeur de son lit combinées avec plusieurs autres causes perturbatrices, parmi lesquelles nous citerons l'inertie des eaux, leur frottement sur le fond ou contre les rivages, l'étroitesse et la longueur des détroits, l'action du vent, les courants, les différences de pression atmosphérique, etc., déterminent, dans les divers lieux, de grandes variations dans l'heure moyenne et dans la hauteur des marées. Bien plus, les inégalités normales dont il a été gestion plus haut, comme celles qui dépendent de la parallaxe de la Lune, de sa position relativement au Soleil, et de la déclinaison des deux astres, sont, dans bien des cas, annulées par les effets des influences perturbatrices, ou bien elles ne peuvent se découvrir qu'au moyen du calculait par la comparaison de longues séries d'observations. En raison de ses causes perturbatrices, il devient extrêmement difficile de tracer le parcours de la grande vague océanique, et les rapports synchroniques qui existant entre les marées locales, c.-à-d. entre les marées considérées aux différents lieux de la surface du globe. Aujourd'hui, les progrès des modélisations numériques et l'utilisation des satellites permettent cependant une connaissance des marées suffisante pour pouvoir les prédire à 1 cm près en haute mer et à dix centimètres près le long des côtes. (L. Béguin).
Les aspects énergétiques
Les marées océaniques, qui correspondent à de perpétuels déplacements de grandes masses d'eau mettent en jeu des énergies énormes, qui vont être dissipées de diverses manières. La première étant le frottement, frottement peut-être de l'eau avec elle-même, mais surtout frottement de l'eau avec les fonds des mers peu profondes et près des rivages. L'énergie mécanique de la marée se dissipe ainsi en chaleur. On estime ainsi que la puissance moyenne dissipée dans les marées est de l'ordre de un milliard de kilowatts. Pas de quoi, sans doute, transformer le climat de notre planète, mais largement suffisant, en revanche, pour ralentir sa rotation : le jour s'allonge ainsi d'environ 0,002 secondes par siècle. Pour le même motif, les marées (qui ne sont pas l'affaire exclusive de notre planète mais concernent aussi leur agent principal, la Lune) sont à l'origine d'un éloignement de la Terre et de son satellite naturel, au rythme de 3,7 centimètres par an. Les marées ont également une action plus locale sur les échanges énergétiques dans les océans, comme ceux, par exemple, qui sont à l'origine la formation de ces grandes vagues barrant le détroit de Gibraltar mises en évidence en 1992 par le satellite ERS (image ci-dessous) : un tel phénomène implique deux couches de salinités différentes et un courant produit par les marées.
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Vagues à l'entrée du détroit de Gibraltar.
Leur taille est d'environ deux kilomètres.
(Source : ESA / ERS ).
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En bibliothèque - Laplace , Mécanique céleste ; Annales des
ponts et chaussées; Annuaire des marais des côtes de France (Dépôt de la marine); Annuaire du Bureau des longitudes; Bulletin de la Société de physique d'Édimbourg ( Travaux de sir William Thomson ); BDL, La Terre les eaux, l'atmosphère , Gauthiers-Villars, 1977; R. Gibrat, L'énergie des marées , 1966.
En librairie - Odile Guérin, Comprendre les marées , Ouest-France / Edilarge, 1996 . - Chris tophe Courteau, Marées, la vie secrète du littoral , Glénat, 2001 . - André Gillet, Une histoire des marées ; Belin, 2000 . - P. Le Hir, Programme scientifique Seine-Aval), Courants, vagues et marées : les mouvements de l'eau , Ifremer . |
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Sur le Web - On pourra se reporter à la page de référence sur Les marées au Bureau des Longitudes , ou au site du Service hydrographique et océanique de la Marine ., ou les pages sur les marées de l' Aviso . Intéressantes également à consulter, les pages pédagogiques de la Taupe astronome , ou celles de Adélaïde Duroux, Anaïs David et Sarah Huet (Elèves du Lycée Buffon ), qui parlent des marées , et aussi des éclipses , ou bien encore celle des élèves du lycée Frédéric Mistral à Fresnes : Le phénomène des marées . |
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http://marees-seismes.forumculture.net/sutra97-Les-effets-de-maree-sur-Io-satellite-de-Jupiter.htm |
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Durant certaines ères géologiques remontant à plus de quinze millions d'années, l'activité tectonique terrestre fut bien plus intense qu'aujourd'hui. Seul Io, satellite de Jupiter, l'astre tellurique du système solaire le plus affecté par un volcanisme généralisé, peut directement nous renseigner, depuis son survol (en octobre et novembre 1999) par la sonde Galileo , sur l'aspect externe d'un astre soumis à des éruptions permanentes, avec des laves atteignant les 1500° C en surface, qui renouvellent constamment son relief.
Dans un article de la revue électronique Cybersciences, du Québec, Vincent Sicotte ( http://www.cybersciences.com/cyber/4.0/2000/02/astrono.asp 12/02/2000), rapporte la cause d'une telle fournaise : « la formidable vie tellurique d'Io est produite par des effets de marée, qui sont induits par Jupiter et ses lunes. En effet, la petite Io (grande comme notre Lune) est coincée entre l'imposante Jupiter et deux autres satellites galiléens, Europe et Ganymède. Il en résulte un tiraillement gravitationnel constant qui échauffe et fait fondre l'intérieur d'Io, ce qui nourrit son intense volcanisme ». Inutile de préciser que l'activité sismique est permanente sur Io.
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http://marees-seismes.forumculture.net/ |
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Pour être plus précis sur le volcanisme d'Io, j'ajoute une partie de la synthèse proposée sur le site Fenêtre sur l'univers géré par l'Observatoire de Paris ( http://media4.obspm.fr/public/FSU/chapitre2/souschapitre3/section2/page1/section2_3_2_1_OBSERVER.html ).
Citation: |
Les volcans d'Io expulsent du gaz à plus de 1 km/s, 20 fois plus vite que ne le fait un volcan terrestre. Ce volcanisme d'Io puise sa source dans l'effet de marée . Jupiter étant 318 fois plus massif que la Terre, les renflements de marée que subit le satellite ont une amplitude de plusieurs kilomètres.
Si, comme la Lune, Io a ses périodes de rotation et de révolution synchronisées, son mouvement est de plus fortement perturbé par 2 autres lunes de Jupiter, Europe et Ganymède, avec lesquels son orbite est résonante.
Sous l'effet de l'attraction des autres satellites, Io est tantôt en avance, tantôt en retard par rapport à sa révolution moyenne, ce qui a pour effet de déplacer le bourrelet de marée , et conduit à une forte dissipation d'énergie : la variabilité et le déplacement des renflements de marée dégradent par friction suffisamment d'énergie pour faire fondre partiellement l'intérieur du satellite et engendrer ainsi une activité volcanique. |
Vous trouverez des explications détaillées et de nombreuses illustrations concernant les éruption survenant sur Io dans l'article de Sylvie Hugelin, "Io, une lune volcanique", Interstars.net, 21 novembre 2004: http://www.interstars.net/index.php?article=io .
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Io, une lune volcanique
Dans un silence absolu, de gigantesques panaches fusent vers le ciel noir puis retombent en averses de neige. Au creux des caldeiras, bouillonnent des lacs de lave. De longs fleuves de magma sillonnent les plaines. Ils changent de couleur et de vitesse au gré des circonstances. De sulfureuses nappes phréatiques migrent le long des fractures, remontent à la surface, rongent les hauts plateaux et se transforment en geysers au contact des roches en fusion. De temps en temps, une falaise s'effondre sous son propre poids. Ou bien une montagne bascule et s'enfonce dans le sous-sol. Etranges phénomènes qui ont existé ailleurs, en d'autres temps, dans le reste du système solaire. Et que l'on peut observer aujourd'hui encore, en direct, dans un fantastique décor dominé par Jupiter la planète géante. Io n'est pas seulement une lune. C'est aussi une machine à remonter le temps.
Découverte par Galilée en 1610, Io resta longtemps un point lumineux que la proximité de Jupiter rendait difficile à étudier. On calcula sa période de révolution autour de la planète géante (42 heures), et on constata que sa taille, sa densité (3,5), sa composition rocheuse et son absence de glaces la rendaient apparemment proche de notre Lune. Rien de bien extraordinaire.
Mais lorsque la sonde Voyager 1 entreprit, en mars 1979, d'étudier les satellites de Jupiter et envoya les premières images haute définition de Io, celle-ci devint immédiatement l'attraction principale. Cette petite lune montrait en effet sur les photographies prises au téléobjectif une fascinante palette de couleurs jaunes et oranges, avec de curieux cercles rouges, de longs serpentins verts ou bruns, des croissants bleuâtres, des plaques blanches et une multitude de petites taches rondes et noires. Ces dernières ressemblaient à ces innombrables cratères qui témoignent de l'intense bombardement d'astéroïdes auxquels ont été soumis tous les astres du système solaire il y a 4 milliards d'années.
Panaches éruptifs à l'horizon
Les navigateurs de Voyager 1, qui étudiaient à la loupe les clichés qu'elle envoyait pour déterminer sa position exacte, firent une surprenante découverte. Au limbe de Io, sur le fond noir de l'infini, se dessinaient nettement huit panaches éruptifs en forme d'ombrelles. Quatre mois plus tard, Voyager 2, reprogrammée à la hâte pour observer Io, découvrit deux autres ombrelles. Io n'était pas un objet froid, géologiquement mort, comme notre Lune mais un astre en activité dont on venait de surprendre une dizaine d'éruptions extraterrestres.
Les taches noires ? Des caldeiras, ces dépressions qui se forment au sommet d'un volcan après une éruption. Les anneaux rouges, les traînées vertes, brunes ou grises, les zones blanches ? Des coulées de lave et des dépôts de givre, colorés par du soufre évacué puis refroidi à différentes températures. Les ombrelles ? Des jets d'oxyde de soufre (et non de cendres comme sur la Terre) pouvant atteindre une vitesse d'évacuation de 1000 mètres par seconde (3 fois la vitesse du son) et monter jusqu'à 200, 350, 500 km d'altitude. Une atmosphère extrêmement tenue, une très faible gravité et la nullité des vents permettent à ces colossales colonnes de gaz qui jaillissent des évents, de suivre une trajectoire balistique et de se déployer en gracieuses fontaines symétriques.
La plus grande de ces fontaines éruptives découverte par Voyager 1, avait 1000 km de diamètre. Elle reçu le nom de Pelé, la déesse hawaiienne des volcans. Furent également baptisés Loki (210 km de diamètre), Promethée (250 km), Amirani (200 km) Masubi (150 km). Vingt ans après le passage des sondes Voyager ces volcans étaient toujours actifs.
Les télescopes terrestres dans les années quatre-vingt puis la mission Galileo entre 1995 et 2002 ont exploré de loin puis, de plus en plus près, ce sulfureux petit satellite. Ils ont recensé 200 caldeiras de plus de 20 km de diamètre, une centaine de volcans en activité et d'innombrables points chauds. La sonde Galileo a notamment découvert et photographié, de monstrueux rideaux de laves en fusion, longs de 30 km, hauts de 1500 mètres. Pourquoi, une lune aussi petite qui, théoriquement, devrait être froide depuis longtemps à l'instar de notre Lune, est-elle un corps en fusion produisant 100 fois plus de laves que la Terre ?
Un double effet de marée
Avant même la découverte, sur des photos, des éruptions volcaniques de Io, celles-ci avaient été prévues par une équipe de chercheurs américains, dirigée par S. Peale. Io est soumise à un double effet de marée qui étire sa surface et ses couches internes dans tous les sens.
Avec des 3680 km de diamètre, Io semble minuscule lorsqu'elle passe devant l'énorme globe de Jupiter (143000 km de diamètre). Elle en fait le tour, sur une orbite très basse, en 42 heures et 27 minutes. En rasant ainsi la planète géante, elle est soumise à un gigantesque effet de marée qui la déforme et échauffe, non seulement sa surface mais aussi les couches internes.
A cet effet de marée, s'en ajoute un second, celui d'une autre lune de Jupiter, Europe, placée sur une orbite plus haute. Europe fait le tour de Jupiter en 85 heures. Io, plus rapide, la rattrape donc et la dépasse tous les deux tours d'orbite. A chaque rencontre, les deux lunes s'attirent et se déforment mutuellement.
Tiraillée ainsi entre Jupiter et Europe, déformée toutes les 42 heures par des marées de... 100 mètres d'amplitude, Io s'échauffe et dégage des milliers de milliards de watts de chaleur (10 14 watts) soit 40 fois plus que la Terre, alors qu'elle n'est pas plus grande que la Lune. C'est un astre dont les couches internes sont en fusion de façon permanente ce qui provoque d'incessantes et gigantesques éruptions volcaniques : en moyenne 10 000 tonnes de lave par seconde et par volcan ...
Les paysages sur Io
La surface de Io présente une grande variété de terrains. Les caractéristiques marquantes sont des dépressions irrégulières qui correspondent aux caldeiras des volcans ( patera ), des éminences ( tholus ), des vastes zones caractérisées par un albédo clair ou sombre ( regio ), de hauts plateaux ( planum ), des montagnes ( mons ) et des chaînes de cratères ( catena ). Rien à voir avec les autres lunes de Jupiter où dominent les cratères (comme sur Callisto), les rayures, les rides et les cannelures (comme sur Europe et Ganymède).
Nombreux sont les traits qui témoignent des tensions marémotrices et de l'évacuation de la chaleur qu'elles génèrent : boucliers volcaniques en pente douce semblables à nos volcans hawaiiens, coulées serpentant sur plusieurs centaines de kilomètres, gigantesques anneaux de dépôts, lacs de soufre fondu, caldeiras effondrées, interminables plaines de laves...
Seules les montagnes, hautes de plusieurs kilomètres, ne semblent être liées, du moins directement, à ce monstrueux volcanisme. Ce sont d'immenses blocs basculés, manifestement formés lorsque la croûte se casse et s'enfonce sous son propre poids. Le résultat, en quelque sorte, d'une tectonique verticale.
Le remodelage de la surface est tel que les cratères, si nombreux ailleurs, n'existent pas sur Io. Ils ont été effacés, gommés, sous les retombées pyroclastiques et les flots de lave qui surgissent des noirs évents. On a calculé que si une couche moyenne de 3 millimètres recouvrait chaque année Io, il ne faudrait que 10 millions d'années pour que se constitue une croûte de 30 km d'épaisseur. Si ces estimations sont justes, la croûte de Io aurait été renouvelée 500 fois depuis la formation de Io, il y a 4,4 milliards d'années.
Cratères sur Io
( paterae )
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Une chimie du soufre
Le soufre et ses composés donnent à ces paysages des couleurs bariolées. La région de Culan Patera (ci-dessous) constitue un splendide exemple de cette palette contrastée où dominent le jaune, le vert et le rouge. Les teintes changeantes des coulées de lave reflètent, en partie, les états chimiques du soufre qui change selon la température à laquelle il est chauffé ou refroidi.
Culan Patera , l'un des volcans les plus colorés de Io doit son aspect au soufre, à ses composés et à leur interaction avec le magma silicaté qui jaillit de la caldeira centrale (l'ovale vert irrégulier au centre de l'image) . |
Le soufre possède en effet d'étonnantes propriétés. A sa température de fusion, 113°, il est jaune. A 150°, il devient orange. A 180°,il vire au rouge. A 250° et plus, il revêt une couleur brun-noir.
Autre caractéristique du soufre : il conserve sa couleur de fonte s'il est brusquement refroidi. Ainsi une petite coulé de soufre jaillissant à plus de 250° sera d'une belle couleur chocolat et le restera si la température ambiante (- 150°) la refroidit brutalement. Mais si elle est épaisse, et se refroidie lentement, elle tournera au rouge ou à l'orange.
Le soufre présente une autre singularité. Sa viscosité évolue au gré de la chaleur. A plus de 250°, il est très fluide. Au fur et à mesure que sa température baisse, il devient de plus en plus visqueux. A 200° il est rouge et pâteux. Mais il redevient fluide à 150° alors qu'il est orange. Et il se fige à 120° lorsqu'il est jaune.
Tupan Patera
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Autre image haute en couleur, la caldeira du volcan Tupan, prise en gros plan en octobre 2001, alors qu'elle ne présentait aucun signe d'activité. Large de 75 km, elle est entourée de remparts hauts de 900 mètres. Le fond de la caldeira est orné de motifs surréalistes noirs, verts, rouges et jaunes. La matière noire est récente. Il s'agit de lave encore chaude. En jaune, un mélange de composés sulfureux. La matière verte semble se former aux points de rencontre du soufre rouge et la lave noire. Le centre de la caldeira, qui n'est pas recouvert de laves noires, est probablement plus haut que le reste du plancher du cratère.
Le rouge et le noir
Les scientifiques s'interrogent sur la nature des nombreuses taches rouges observables à la surface de Io. Ils pensent actuellement qu'elles proviennent des atomes de soufre qui prennent une couleur rouge lorsque qu'ils se recomposent en molécules de 3 ou 4 atomes (S3 ou S4).
Quant à certaines taches noires, très larges comme celle qui est apparue autour de Pillan Patera en moins de trois mois, elles seraient constituées de cendres, riches en fer et en magnésium.
Des laves silicatées très fluides
Le soufre n'est pas la seule matière que dégorgent les volcans de Io. Les télescopes terrestres, équipés de radiomètres infrarouges, ont mesuré au fond des caldeira des températures de 600°, puis de 1200°, très supérieures à celles que dégage le soufre fondu. Sur Terre, seuls les magmas basaltiques atteignent 1250°.
La sonde Galileo a confirmé ces résultats. Elle a notamment repéré, entre 1995 et 2002, une dizaine de caldeiras où la température s'élève à 1400°. Compte tenu de la température qui règne à la surface de Io, la lave doit jaillir à 1800°. elle proviendrait donc de plusieurs centaines kilomètres de profondeur (et non de quelques dizaines de kilomètres comme sur Terre) et parviendrait à remonter à la surface sans se refroidir. Ou bien, autre hypothèse, la chaleur serait très élevée près de la surface, et ferait fondre jusqu'aux matériaux les plus réfractaires.
C'est ce qui est arrivé sur Terre, il y a 2 milliards d'années, lorsque le manteau était plus chaud, avec un magma qui donna naissance à des komatites , des laves extrêmement fluides. Et Io permet de mieux comprendre la formation de telles laves.
Survols rapprochés
Au vu des premiers résultats enregistrés par Galileo, les responsables de la mission qui hésitaient à envoyer leur sonde survoler Io, ont finalement programmé des passages à faible distance.
Le domaine d'Io, qui orbite à 420 000 km seulement de Jupiter, est une zone à hauts risques, riche en radiations intenses. Les ions de sodium, de soufre et d'oxygène, arrachés de la surface ou projetés par les éruptions, sont capturés par le champ magnétique de Jupiter et forment, le long de l'orbite de la petite lune, un nuage du plasma, le tore de Io. A cela s'ajoute un tube de flux qui relie Io à Jupiter, comme un cordon ombilical, et où passe un courant de 5 millions d'ampères. De quoi cramer circuits, composants et équipements électroniques.
Et comme Galileo a souffert d'une avarie de son antenne principale de communication (elle n'a jamais pu se déployer), les responsables de la mission, déjà préoccupés par la récupération de données beaucoup moins nombreuses que prévu, ont préféré repousser à la fin de la mission, les survols en rase-mottes.
Le premier survol a eu lieu le 11 octobre 1999 et ne s'est pas très bien déroulé. Le choc a été rude. La caméra et le spectromètre infrarouge ont été très secoués et la plupart des images n'ont pu être exploitées qu'après de longs traitements informatiques.
Le second vol rapproché est intervenu le 26 novembre 1999 et a bien failli échouer. Les bombardements des particules énergétiques ont déréglé l'ordinateur de bord qui s'est placé en mode stand-by. Après plusieurs heures de travail frénétique, et quatre minutes seulement après l'approche maximale, les ingénieurs du JPL ont réussi à réactiver les appareils de mesure et la caméra. Un peu plus de la moitié des observations programmées ont pu être faites.
Depuis, d'autres "missions suicides" se sont déroulées, avec chaque fois, des incidents plus ou moins sérieux. La caméra notamment, a été endommagée et il a fallu développer puis envoyer un nouveau programme pour qu'elle fonctionne à nouveau de façon à peu près satisfaisante. Le tout dernier passage, le 17 février 2002, a été raté, Galileo s'étant placé en mode de sauvegarde, interdisant ainsi aux appareils de fonctionner. Il a fallu 14 heures d'efforts pour remettre en route la sonde.
Les survols rapprochés effectués par Galileo (1999 - 2002)
Orbite autour
de Jupiter * |
Date du survol |
Distance |
Principales observations |
24 |
10 octobre 1999 |
611 km |
Loki et Pele de nuit, laves en fusion, Pillan, montagnes et falaises. |
25 |
25 novembre 1999 |
300 km |
Fontaines éruptives de Tvashtar Catena. |
27 |
22 février 2000 |
199 km |
Tvashtar Catena, Pele, Prométhée. |
31 |
6 août 2001 |
200 km |
Panache éruptif géant près du pôle Nord, survol de Tvashtar Catena. |
32 |
16 octobre 2001 |
181 km |
Pôle Sud, étude du champ magnétique. |
33 |
17 janvier 2002 |
100 km |
Echec |
* La première orbite de la sonde Galileo autour de Jupiter a débuté en décembre 1995. Galileo a également menée une étude de Io conjointement avec la sonde Cassini-Huygens, en décembre 2000/janvier 2001. |
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Le volcanisme qui sévit sur Io est trop imprévisible pour planifier une campagne photographique. Bien des clichés réalisés sont fortuits. Glanés au petit bonheur la chance, entre deux avaries de la caméra, ils ont pourtant apporté des résultats significatifs. Ils confirment notamment plusieurs hypothèses qui reposaient jusqu'alors sur l'interprétation délicate d'images en basse résolution.
Ainsi Pele renferme bien au sein de sa caldeira un lac de lave actif. Les volcans Prométhée et Amirani sont le siège de lents et gigantesques épanchements de lave, de type hawaiien. Des fontaines de lave actives expliquent l'intense rayonnement thermique de certains volcans. Et Loki, premier volcan extraterrestre à avoir été découvert est le plus puissant volcan du système solaire. Toutefois, les images prises n'ont pas une résolution suffisante pour confirmer ou infirmer les modèles mathématiques élaborés pour expliquer le volcanisme actuel sur Io.
Io by night
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A gauche, la carte des températures nocturnes
relevées en février 2000.
A droite, le même hémisphère, en lumière visible.
En bleu, les températures les plus froides
(- 183° C).
En jaune et orange, les températures les
plus chaudes, supérieures à - 103° C.
Dans plusieurs endroits, très localisés, la
température atteint 1225° C.
L-K : Lei-Kung Fluctus. L : Loki. Pi : Pillan. M : Marduk. Pe : Pele |
La carte de la chaleur, la nuit sur Io, fait apparaître les volcans les plus les plus actifs du système solaire. Les points les plus chauds correspondent à des volcans plutôt discrets. C'est le cas, notamment, de Loki qui irradie 15 % de la chaleur totale. Il libère, à lui tout seul, davantage d'énergie que l'ensemble des volcans terrestres. Un vrai monstre. Son cratère, en forme de fer à cheval, est envahi périodiquement par des coulées de lave de plusieurs mètres d'épaisseur qui recouvrent parfois une surface de 32000 km carrés. Elles doivent refroidir lentement, pendant plusieurs mois, ce qui expliquerait la température de + 30°C mesurée au cour de la caldeira, alors que les plaines environnantes affichent une température de - 150° C.
Dans l'échelle des températures, le volcan Pillan occupe la seconde position. Sa chaleur correspond à des coulées de lave en cours de refroidissement depuis deux ans et demi.
Par contre, Pele qui émet de violents panaches éruptifs, génère peu de chaleur. Son activité reste confinée dans un petit cratère.
Le lac du Mont Pele
En passant au dessus de Pele le 10 octobre 1999, Galileo réussit à surprendre, pour la première fois hors de la Terre, de la lave incandescente dont la température s'élevait à 1027° C
elle s'étire sur 10 km de long et mesure 50 mètres de large. Les variations de son éclat sont probablement dues à la plus ou moins grande quantité de matériau exposé à la surface.
Il s'agirait, non pas d'une coulée de lave mais d'un lac dont le contenu se renouvelle continuellement. Ce sont les bords de la caldeira du volcan que l'on verrait sur cette image. La croûte refroidie, flottant sur la lave en fusion, se heurterait sans cesse aux parois du cratère et se briserait, exposant ainsi un ruban de matière en fusion.
Une autre image de nuit prise deux ans plus tard, avec des détails de 60 mètres par pixel, confirme cette hypothèse. L'enfilade de taches brillantes (à gauche de l'image) correspondrait au bord du volcan. La très grande tache (à droite) serait une large ouverture dans la croûte, laissant apparaître la lave chaude sous-jacente.
Les lueurs rougeoyantes du Mont Pele sont suffisamment fortes pour être photographiées en plein jour. A gauche, une image prise dans la lumière visible. Elle est centrée sur cet immense anneau rouge de 1300 km de diamètre qui rend Pele reconnaissable entre tous. Il a pour origine les retombées du soufre éjecté dans des jets de 80 km de haut. L'image de droite est en fausses couleurs et a été prise dans l'infrarouge. Le point rouge sombre situé au milieu du cercle noir correspond à l'endroit où se trouve le lac de lave. Sa taille est estimé à 15 km de longueur sur 10 km de largeur.
Les tubes de lave et les panaches de Prométhée
Chaque fois qu'une sonde a pu observer, de loin ou de près le volcan Prométhée, celui-ci était en activité, surmonté d'un splendide panache de gaz de dioxyde de soufre. Les scientifiques attendaient dont avec impatience les mesures et les photos haute résolution de Galileo. La combinaison de ces différentes données a permis de comprendre le mécanisme d'une éruption et de dresser la carte du volcan:
La carte de Prométhée |
Les sources des ombrelles |
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En rose, la caldeira semi-circulaire de 250 km qui ressemble à une tête de cygne. En noir, les coulées récentes. En rouge, les coulées actives. En vert, la mesa. Les flèches jaunes indiquent la direction des panaches. |
En haut à droite la caldeira. Une large et tortueuse coulée s'en échappe sur 90 km. Elle est bordée de traînées blanches de dioxyde de soufre. C'est là que surgissent, en plusieurs endroits, les panaches de gaz en forme d'ombrelles. |
Selon le professeur Laszio Keszthelyi de l'université d'Arizona, Prométhée " possède des caractéristiques remarquablement semblables à celles du volcan hawaïen Kilauea, bien qu'il soit beaucoup plus grand" . Le magma est stocké dans une chambre souterraine située au-dessous de la caldeira. La lave remonte à la surface une quinzaine de kilomètres au sud de la caldera.
Ce point correspond, sur l'image des températures, à la zone bleue au centre de laquelle se trouve une zone orangée de matière riche en soufre. La lave parcourt ensuite une centaine de kilomètres (à partir de l'évent) à travers des conduits souterrains jusqu'à l'extrémité des coulées. Elle est parfois visible à travers quelques trous. La lave liquide, exposée à la surface, correspond à une zone de très haute température, située sur la partie ouest du volcan .
Un panache de dioxyde de soufre de 100 km de haut s'étend au dessus de ces coulées actives. L'origine de ces ombrelles éruptives intrigue depuis longtemps les spécialistes de Io. D'où surgissent-elles ? D'un seul évent ou bien de plusieurs endroits à la fois ?
Elles ne se dressent pas au dessus de la caldeira en tête de cygne de Prométhée mais beaucoup plus loin. Elles surgissent aux extrémités des coulées de lave, dans des zones où le sol est recouvert de neige ou de dioxyde de soufre. La vaporisation de cette matière glacée au contact des laves chaudes serait à l'origine des ombrelles éruptives. Le processus serait identique à celui qui se déroule, sur Terre, à Hawaii, sur le Kilauea. Les laves coulent dans des chenaux souterrains et se déversent dans le Pacifique au milieu de spectaculaires panaches de fumée issus de la rencontre de l'eau froide et de la lave brûlante. Il est aussi possible que le givre de dioxyde de soufre s'enfouisse dans le sous-sol et s'accumule en une nappe phréatique de soufre liquide qui se vaporise lorsqu'une coulée de lave chaude le recouvre.
Les champs d'Amirani et de Maui
Dans la région du volcan Amirani, les volcans atteignent 4 à 8 km d'altitude mais avec des pentes si douces qu'un promeneur monterait vers le sommet sans s'en rendre compte. Ce qui caractérise ce volcan, observé depuis 20 ans, c'est la profusion et la longueur de ses coulées.
La plus longue coulée de lave du système solaire se trouve ici. Longue de 300 km, elle est sans cesse alimentée par des épanchements monstrueux, non seulement d'Amirani mais aussi d'un volcan voisin, Maui, avec lequel il semble être en train de fusionner. Les deux volcans réunis dégorgent 100 tonnes de laves à la seconde.
Les volcans du Grand Nord (I) : Tvashtar Catena et ses fontaines
Lorsque Galileo survole en juillet puis en novembre 1999 la chaîne de cratères Tvashtar Catena, la magma en fusion est si chaud et si brillant qu'il surexpose la caméra. En se basant sur leur expérience dans des cas semblables, les scientifiques de l'équipe Galileo parviennent à interpréter et à redessiner en partie la surface photographiée.
Interprétation du cliché pris le 26 novembre 1999
En noir et blanc, de gauche à droite, la photo originale, puis son interprétation et un zoom de la zone la plus intéressante (cliquez sur la vignette pour l'agrandir). Le ruban rouge correspond à un rideau de lave qui jaillit d'une fissure de 30 km de long avec des fontaines de lave hautes de 1500 mètres ! Une éruption phénoménale, à ramener toutefois à de plus justes proportions compte tenu de la quasi inexistence d'atmosphère. Sur Terre, les mêmes fontaines ne dépasseraient pas 150 mètres. |
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Evolution entre le 26 novembre 1999 et le 22 février 2000
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L'image de gauche (en couleurs rehaussées pour mieux faire apparaître les différences) est une combinaison de clichés basse et haute résolution. On observe, au sud du rideau de lave, deux autres caldeiras, d'où partent plusieurs coulées de lave. Les plus noires semblent être les plus récentes. Cette chaînes de bouches volcaniques est entourée d'une ESA, haute de 1 km. Elle a été sapée à plusieurs endroits, peut-être par du soufre liquide.
L'image de droite a été prise deux mois après celle de gauche. Les fontaines de lave et la fissure d'où elles partaient ont disparu. Par contre, à l'ouest de cet endroit, une nouvelle coulée de magma en fusion s'allonge sur près de 60 km. Un peu au dessus, les deux points lumineux aux extrémités de coulées noires en forme de "V" correspondent à des laves encore chaudes exposées à la surface.
Les volcans du Grand Nord (II) : naissance d'un volcan
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Les images de Cassini mettent en évidence deux grands panaches éruptifs : celui du volcan Pele, près de l'équateur, mesure 390 km de haut ; un second panache s'élève à 150 km d'altitude à proximité du pôle Nord, dans la région de Tvashtar. |
Décembre 2000 : la sonde Cassini-Huygens en route vers Saturne et la sonde Galileo, en orbite autour de Jupiter, se croisent et, profitant de cette occasion inespérée, étudient ensemble Jupiter et ses lunes. Tandis que Galileo photographie Io dans la lumière visible, Cassini-Huygens prend des images dans l'ultraviolet de manière à mieux détecter les panaches éruptifs.
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Sur les clichés pris par Galileo, on distingue très bien (image du haut) l'habituel anneau rouge de 1300 km de diamètre qui entoure la caldeira de Pele et qui correspond à la retombée des ombrelles de dioxyde de soufre. Et, surprise, sur l'autre hémisphère de Io (image du bas) un anneau tout aussi gigantesque apparaît du côté du pôle. Ces dépôts circulaires proviennent probablement du panache photographié près de Tvashtar par Cassini.
Le panache éruptif découvert conjointement par les sondes Cassini-Huygens et Galileo est-il encore actif plusieurs mois après ? Pour le savoir, les scientifiques programment en août 2001 un survol rapproché au dessus du site.
Le panache observé au tout début de l'année a disparu. Par contre un autre panache qui monte jusqu'à de 500 km d'altitude est découvert. Il provient d'un nouveau volcan.
Avec ses 500 km d'altitude, ce panache éruptif est le plus élevé jamais observé sur Io. Les panaches terrestres ne dépassent pas 55 km d'altitude mais dans une atmosphère infiniment plus dense que celle de Io.
Situé par 41° de latitude Nord et 133° de longitude Ouest, le nouveau volcan est entouré d'un large anneau de matière à la fois sombre et claire. Ces dépôts qui se sont accumulés à une vitesse stupéfiante recouvrent en partie ceux plus rouges encerclant Tvashtar Catena.
Alors que Galileo se trouve à 194 km au dessus de cette zone, elle capture et analyse des particules toutes fraîches, provenant de l'éruption du nouveau volcan. Il s'agit de flocons de neige de dioxyde de soufre. Chaque flocon compte de 15 à 20 molécules assemblées.
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